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Caravane paradise

Trouver cette caravane, par hasard, chez un démolisseur a été comme retrouver un fragment d'un été lointain.

Elle m'a rappelé les vacances passées dans une commune de la mer du Nord, mais surtout, elle m'a permis de transformer un souvenir triste en quelque chose de doux et apaisant.

Plutôt qu'un objet oublié, cette caravane m'a semblé être une porte vers la lumière de ces journées d'enfance, entre rires, châteaux de sable, de glace à la vanille et de tour en cuistax... .

​Le texte qui suit est venu s'intégrer aux images comme une évidence de raconter ce moment.

Caravane paradise (2013)

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" Je m’appelle Augustin. Je viens d’avoir dix ans. Pour les grandes vacances, mon papa a retapé une petite caravane. De couleur blanche, elle est de forme arrondie. Je trouve que l’intérieur ne sent pas très bon. Il y a une odeur bizarre, un mélange de renfermé et d’humidité. Mais je la trouve quand même jolie. D’autant plus que mon papa a sans doute choisi la plus chouette place du camping, à l’ombre d’une courte haie de peupliers.

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Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi mes parents ont choisi la commune d’Oostduinkerke pour ces deux mois d’été. Un petit camping, coincé entre des immeubles à appartements, situé le long de la grande route principale qui traverse la commune droit en direction de la plage.

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Ce qui est certain c’est que j’ai vite pris mes repères, entre les marchands de glace, les loueurs de cuistax, les horaires des marées pour construire de fantastiques châteaux de sable, les odeurs de poulets grillés, le chemin qui emprunte les trottoirs du camping jusque la digue.

Nous aimons bien passer du temps à la Mer du Nord. Le matin, nous restons le plus souvent à la caravane. Je tape avec ma raquette de tennis, une petite balle jaune en mousse contre le mur d’en face, un haut mur peint en blanc. A la radio, nous écoutons RTL. A cette heure de la matinée il diffuse une émission dont le but est de retrouver trois mots qui se trouvent dans une chanson, des tubes de la chanson française du moment. J’aime écouter ce jeu même si je ne le trouve pas facile et que je ne découvre pas toujours les bons mots.

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En début de soirée, nous nous baladons souvent sur la digue. Il y a des enfants qui vendent des colliers de coquillages, d’autres de jolis bricolages, certains des bandes dessinées ou des vieux jouets qu’ils n’utilisent sans doute plus. Comme j’ai terminé mon album d’autocollants Panini du récent mondial de football au Mexique, mes parents m’ont proposé de vendre mes doubles. Le lendemain, je me suis donc installé sur une couverture le long de la digue pour vendre mes autocollants. Un tube en plastique en guise de porte-monnaie autour du cou me voici en parfait vendeur. Le premier jour, la vente de quelques images m’a permis d’acheter une bande dessinée en occasion de Michel Vaillant.

De retour le lendemain, j’ai rapidement vendu le reste de mes images au premier acheteur venu. Sans connaître la situation de sa collection, il m’a acheté mon paquet entier. J’étais drôlement content. Avec l’argent de cette vente, je me suis offert une délicieuse crème glacée de chez Verdonck. Ma maman m’a pris en photo avec ma crème glacée sous un soleil encore chaud.

Nous sommes revenus sans un mot à la caravane. Ma maman était aussi triste que moi. Ensuite mes parents sont allés chercher mon chien. Et je suis resté dans la caravane, seul devant une petite télévision blanche. De format carré, d’aspect très lourd, elle était posée sur le rebord d’un meuble. Elle diffusait des images en noir et blanc de très mauvaise qualité. L’antenne était sans doute mal dirigée. J’étais assis sur le lit à regarder l’écran sans intérêt. Je n’entendais presque rien. Je ne comprenais pas les paroles de l’émission. J’ai dix ans, j’ai le sentiment que ce moment va rester longtemps dans ma mémoire.

Le soir, après deux bonnes heures de route, nous sommes arrivés à la maison. Je suis allé me coucher pendant que mon papa s’occupait de mon chien.

Quelques jours plus tard, de retour à la Mer du Nord, je suis allé à la plage avec mon papa, ma pelle et mes accessoires pour faire des châteaux de sable. Sur le chemin, je voulu m’arrêter à l’église toute proche, le long de la grande route. Avec mon papa, nous avons fait une petite prière pour mon chien.

Quelques années plus tard, c’est une drôle de rencontre que j’ai fait par hasard. L’endroit se situe dans la banlieue proche de Charleroi, au milieu de bâtiments vétustes, comme abandonnés. A cette heure tardive de la journée, l’endroit est vide. Lors de ma première visite je me suis baladé autour du sujet, photographiant bien sûr la caravane, son intérieur, mais aussi d’autres sujets aux alentours, les bâtiments, des mauvaises herbes, des morceaux de châssis, de métal.

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La semaine suivante, je suis revenu sur le lieu avec l’idée de cibler le sujet de façon plus précise. Une séance de prises de vue de quelques minutes à cibler les détails de cette caravane. De façon évidente, l’histoire de mon chien renversé à la Mer de Nord me revenait en pleine tête. Douloureux souvenir, toujours bien présent.

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Après avoir analysé la dizaine d’images sélectionnées, je suis revenu une seconde fois pour peaufiner certains cadrages. Cette fois, il n’y avait plus de cette caravane que des quelques pièces détachées. Elle avait été démolie par le ferrailleur".

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